Comment fournir de l’électricité aux régions rurales les plus pauvres ?
Cette question se pose de façon récurrente parmi les bailleurs internationaux et les décideurs politiques. Electriciens sans frontières vous propose un tour d’horizon de certaines des solutions existantes.
Les grands réseaux électriques sont inadaptés aux régions rurales
Pendant longtemps, la réponse des politiques et les fonds octroyés par les bailleurs se sont concentrés sur la construction de grandes infrastructures pour étendre le réseau électrique. Or, cette solution s’est avérée chère et non adaptée à des zones rurales isolées où les populations vivent souvent avec moins de 2 dollars par jour.
Aujourd’hui, alors que le prix des systèmes photovoltaïques est devenu attractif et leur performance suffisante, ne faut-il pas revoir le schéma d’électrification des nombreuses zones rurales encore plongées dans le noir ?
Contrairement aux systèmes photovoltaïques, la construction de grands réseaux électriques est un non sens économique et environnemental pour les zones rurales isolées.
Les lampes solaires sont inefficaces face à la lutte contre la pauvreté
De 2013 à 2016, le Centre pour le développement et la coopération ETH à Zürich, a mené une étude au Kenya sur les impacts de l’utilisation de lampes solaires rechargeables auprès de 1 400 foyers. Dans la majorité des cas, la lampe solaire venait en remplacement d’une lampe kérosène. Les résultats montrent que l’impact sur le budget énergétique des familles est moindre (économie autour de 2%, durée de retour sur investissement de 6 à 22 mois). Se pose également le problème de la durabilité des équipements : 10% des lampes solaires utilisées dans le cadre de l’étude se cassent au bout de 7 mois.
Les impacts les plus significatifs de l’utilisation des lampes solaires démontrés à ce jour sont la diminution des risques liés aux incendies et l’évitement de risques sur la santé générés par les lampes au kérosène [1]. Des études complémentaires sont en cours pour évaluer les bénéfices des lampes solaires à moyen et long terme sur l’amélioration des résultats scolaires.
« Les lampes solaires améliorent le bien-être des familles mais elles sont loin de sortir ces personnes de la pauvreté. » précise clairement l’étude.
L’accès à l’électricité permet non seulement l’éclairage mais aussi l’accès à l’eau grâce à la motorisation solaire de pompes à eau.
Les lampes solaires ne créent pas d’électriciens
La lutte contre la pauvreté passe par la création de valeur par les populations elles-mêmes. Le transfert de compétences joue un rôle essentiel dans la transmission de connaissances et savoir-faire à forte valeur ajoutée.
Or, il ne peut y avoir de projet d’accès à l’énergie durable sans électriciens formés et compétents. Chaque projet d’accès à l’énergie, s’il veut réussir sur le long terme, doit comprendre un volet consacré à la formation d’électriciens locaux, qui créeront leur petite entreprise, s’occuperont de l’entretien et la maintenance des installations électriques et, un jour, pourront dupliquer ce qu’ils ont appris pour le bénéfice d’autres villages.
Le développement des régions rurales passe par l’électrification
Une lampe solaire fournit une solution d’éclairage utile mais individuelle et inefficace face à des problèmes de sécurité alimentaire, d’accès aux soins ou de création d’emplois. Jamais, elle ne pourra répondre à des enjeux collectifs tels que l’irrigation de cultures vivrières par une pompe solaire, l’alimentation de matériel médical et de réfrigérateurs pour stocker des vaccins ou l’ouverture d’un commerce de recharge de téléphones portables.
A contrario, l’électrification au service du collectif et des besoins productifs constitue un premier pas vers la sortie de la pauvreté. Plus qu’une solution technique, elle enclenche un cercle vertueux au service de la sécurité alimentaire, l’accès à l’eau, la santé, l’hygiène, l’éducation et l’économie locale.
L’accès à l’électricité dans un centre de santé permet l’utilisation de matériel médical moderne et améliore la qualité de prise en charge des patients.
Si l’on veut faire de l’accès à l’énergie une réponse à la lutte contre la pauvreté, et ainsi s’aligner sur la décision des Nations Unies d’en faire un Objectif de développement durable, les bailleurs doivent étudier l’ensemble des solutions existantes et l’électrification rurale en fait partie.