4 juillet 2023

Café Lumière, une solution pour l’électrification rurale

Avec des taux d’accès à l’électricité particulièrement faibles dans les zones rurales de certains pays du continent africain, le développement de solutions d’électrification représente un enjeu majeur. Les gouvernements et leurs agences d’électrification rurale ont poursuivi le processus de régulation du secteur hors réseau par des réformes et ont défini des plans et des objectifs d’électrification rurale ambitieux.

L’ÉLECTRIFICATION RURALE

Les acteurs (publics, privés, ONG) se penchent ainsi sur la question de l’électrification rurale afin de développer de nouvelles solutions technologiques et commerciales alternatives à l’extension du réseau non-économiquement viable dans de nombreux contextes notamment ruraux. Jusqu’à présent, ces acteurs se sont principalement concentrés sur des solutions d’électrification du type kiosques, mini-réseaux, ou le développement de Zone d’Activité Electrifiée (ZAE). Cependant, le coût du raccordement et de la fourniture est souvent hors de portée des plus vulnérables et des services publics, dont le budget consacré à l’énergie est en général quasi nul.

Face à ce constat, Electriciens sans frontières s’est penché sur le développement de la solution « Café Lumière », dont l’objectif est de venir compléter le triptyque classique « extension du réseau / mini-réseau / kits solaires », afin d’améliorer les conditions de vie et le développement économique des communautés rurales dans toutes leurs composantes, y compris les services publics et les ménages les plus défavorisés.

Concrètement, pour les bénéficiaires, Café Lumière prend la forme d’une boutique alimentée par une centrale solaire photovoltaïque sécurisée par un groupe électrogène (formant une « plateforme énergétique multiservice ») qui permet d’accéder à des services énergétiques (recharge de lampes et de téléphones, froid, location/vente de kits solaires, etc.) et d’un espace accueillant les activités productives souhaitant bénéficier d’électricité. Il est de ce fait aussi possible d’être alimenté en électricité directement depuis le Café Lumière, grâce à des raccordements de proximité, à la fois pour les acteurs productifs et pour les services collectifs.

La solution, reposant sur un partenariat public privé, est opérée par un délégataire appuyé sur le terrain par Electriciens sans frontières et par des organisations de la société civile (associations et ONGs locales), notamment en matière de prospection commerciale, de renforcement des capacités des acteurs productifs, de sensibilisation auprès des particuliers et des relations avec les autorités.

PROJETS PILOTES ET DÉPLOIEMENT D’UN PROGRAMME DANS TROIS PAYS

Un premier projet pilote à Madagascar, maintenant achevé, a permis d’électrifier 6 communes rurales via l’installation de Cafés Lumière. L’exploitation des centrales repose sur un partenariat public privé entre le délégataire ANKA Madagascar en charge de l’exploitation, l’ADER, propriétaire des installations, et Electriciens sans frontières, porteur de la solution.

L’évaluation finale du projet pilote a montré que les impacts du projet sont très importants sur les conditions de vie des populations et notamment des femmes, par le confort et la sécurité qu’apporte une électricité fiable et abordable, et a permis un changement de pratiques dans les villages. Le projet améliore nettement la qualité des services publics (éducation, accès aux centres de santé, sécurité publique). Les résultats des focus groups soulignent l’appui au dynamisme économique et le développement des activités génératrices de revenus.

A la suite d’une première réplication en cours au Bénin (4 Cafés Lumière), Electriciens sans frontières initie aujourd’hui un programme déployé dans 22 villages ruraux d’Afrique à Madagascar, au Bénin et au Togo. 12 villages seront concernés par la construction de nouveaux Cafés Lumière (2 au Bénin, 4 à Madagascar et 6 au Togo). Les 10 villages qui bénéficient de Cafés Lumière déjà existants ou en fin de construction bénéficieront d’activités d’accompagnement (4 au Bénin, 6 à Madagascar).

Electriciens sans frontières en tant que maître d’ouvrage participe à toutes les étapes de la vie des projets, accompagne les différents partenaires (du secteur privé et de la société civile) dans leurs expertises respectives, avec pour objectif le renforcement progressif de leurs capacités afin qu’ils soient en mesure de dupliquer le modèle Café Lumière de manière autonome.

L’INTÉGRATION DES CAFÉ LUMIÈRE DANS LA RÉGLEMENTATION LOCALE

Les agences d’électrification rurale (ABERME au Bénin, ADER à Madagascar et AT2ER au Togo) et les autorités de régulation de l’énergie (ARE au Bénin, ORE à Madagascar et ARSE au Togo) ont une place centrale dans la mise en œuvre et la pérennité des Cafés Lumière.

En effet, elles appuient l’ancrage des Cafés Lumière dans la réglementation et le plan d’électrification rurale hors réseau du pays à tous les niveaux et notamment pour :

  • Le choix des localités dans lesquelles la solution est déployée : transmission des localités restantes à électrifier, avis sur les critères de sélection et accord final pour l’implantation ;
  • Les entreprises d’exploitation retenues « délégataires » : corédaction de l’appel à candidatures, accompagnement technique et juridique pour la constitution du dossier de demande d’exploitation (autorisation ou concession), validation des tarifs, signature d’un contrat d’exploitation ;
  • Le respect de la solution et sa pérennisation : signature de convention de partenariat avec Electriciens sans frontières, échanges réguliers avec les parties-prenantes du programme, octroiement de dérogations (si nécessaire).

Le programme en cours de déploiement a vocation à s’insérer en bonne intelligence dans les politiques nationales d’accès à l’énergie des pays concernés et associe les acteurs publics de manière étroite, dans une logique de co-construction.

En effet, le caractère innovant de la solution Café Lumière peut parfois se heurter à la réglementation et au cadre institutionnel, ces derniers étant construits pour s’adapter aux solutions « classiques » destinées à être déployées massivement de manière standardisée. L’introduction d’une solution innovante peut occasionner notamment une redéfinition du rôle et des responsabilités des différents acteurs, un besoin d’adaptation technique et organisationnel, qui peut entrainer une confusion quant au positionnement de chacun, ainsi que des difficultés d’agir en synergie.

Par exemple, un Café Lumière aura une puissance installée plus faible que la plupart des mini réseaux, proposera un ensemble de services liés à l’électricité et non la simple fourniture d’électricité (difficile à intégrer dans les documents conventionnels). En outre, certains cadres réglementaires prévoient qu’une même organisation doit déployer l’infrastructure et également l’exploiter, alors que le modèle adopté pour les Cafés Lumière consiste à dissocier ces deux rôles.

C’est pourquoi, Electriciens sans frontières entretient des relations nourries avec les pouvoirs publics et en premier lieu les agences d’électrification rurale, et échange le plus en amont possible sur les spécificités liées au modèle Café Lumière afin de s’assurer de sa bonne intégration dans le paysage réglementaire.

A Madagascar, la solution a été déployée avant la parution du décret d’application sur l’électrification rurale, l’ADER et Electriciens sans frontières ont ainsi travaillé ensemble pour implémenter et pérenniser la solution en attente dudit décret.

Au Bénin, la réglementation et la solution ont été déployées simultanément ce qui a entraîné une adaptation des parties afin d’assurer l’intégration des Cafés Lumière dans le périmètre légal de l’électrification rurale hors-réseau. Les échanges réguliers avec l’ABERME se poursuivent pour la pérennisation des quatre premières installations et pour le déploiement des deux futurs Cafés Lumière.

Pour finir, au Togo où aucun Café Lumière n’a encore été déployé, des échanges approfondis ont déjà été organisés avec l’AT2ER, l’ARSE et le ministère de l’Energie car la réglementation applicable au secteur n’est à date pas totalement adaptée. Toutes les parties prenantes ont démontré leur volonté de trouver des solutions efficaces pour le déploiement du programme. C’est pourquoi, une délégation togolaise des pouvoirs publics se déplacera notamment en février 2023 au Bénin pour rencontrer leur homonyme afin de comprendre la stratégie mise en place pour assurer l’implémentation de la solution Café Lumière au Togo.

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