Le 7 juin dernier, notre ONG a présenté sa position quant au financement de l’accès à l’énergie, dans le cadre d’une conférence organisée à Paris par l’ADEME et le Syndicat des énergies renouvelables (SER) à laquelle ont assisté plus de 200 représentants du secteur. Au cours d’une table ronde intitulée « Quels sont les besoins et les enjeux du financement de l’accès à l’énergie ? », nous avons abordé une question centrale pour nos activités : est-ce que les outils de financement actuels permettent d’assurer la pérennité des projets d’accès à l’énergie ? Cet événement poursuit la dynamique initiée par l’appel à projets « Solutions innovantes pour l’accès à l’énergie hors réseaux », qui a sélectionné notamment notre projet SISAM.
L’expérience que nous avons acquise depuis notre création en 1986 nous permet d’identifier des facteurs-clés de succès, mais aussi des écueils qu’il faut éviter dans la conception d’un projet (voir à ce sujet notre Guide des bonnes pratiques publié en 2016). Quand nos bénévoles instruisent l’opportunité de réaliser un nouveau projet, ils étudient avec soin le besoin des populations auxquelles nous venons en aide, ils choisissent un équipement durable (notamment pour le choix des batteries), ils déterminent les paramètres techniques les plus adaptés, enfin et surtout ils prévoient des actions de formation et des leviers de développement économique afin que la population locale ait la compétence et les moyens requis pour exploiter et entretenir les installations de production d’électricité et d’accès à l’eau que nous aurons mises en service.
Ce dernier volet est particulièrement critique pour que les projets soient durables : par exemple, si une installation électrique ne permet pas à ses bénéficiaires de dégager le budget suffisant pour remplacer leurs batteries, dont la durée de vie est encore bien inférieure à 10 ans, alors notre action n’aura été qu’éphémère.
Dans nos 35 pays d’intervention, une partie des populations dispose déjà d’un budget consacré à l’énergie, par exemple pour l’achat de carburant destiné à un groupe électrogène, qui peut être réorienté vers des technologies plus propres et rendant des services de meilleure qualité. Pour cette cible, il existe un débouché économique pour les équipements d’accès à l’énergie, ce qui explique le succès de certaines entreprises qui proposent des petits kits solaires, pouvant être facturés dans des conditions dites de pay-as-you-go, ou qui déploient des « kiosques énergie » proposant plusieurs services énergétiques.
Mais une partie des populations concernées par l’objectif onusien « d’accès à une énergie propre et d’un coût abordable » est encore dépendante de l’aide alimentaire et n’a qu’un revenu extrêmement faible. Par exemple, la figure de l’AIE mentionnée ci-dessous montre bien qu’une part importante des personnes sans électricité vit sous le seuil de pauvreté :
L’accès à l’énergie permet d’initier le développement économique de ces populations, cependant il est compréhensible que dans un premier temps l’accroissement de leurs ressources soit consacré à pourvoir à leurs besoins alimentaires, et non au financement du futur renouvellement des installations de production ou de stockage d’électricité. Pour cette cible, il y a besoin de temps avant que l’électrification produise des effets significatifs sur le développement économique.
De plus, le développement humain et économique nécessite d’apporter l’énergie aux structures collectives qui sont dédiées à l’éducation et à la santé : c’est en éclairant des salles de classe, des sanitaires et des salles d’accouchement que l’électricité constitue un puissant levier d’amélioration des conditions de vie ! Or les centres de santé et les écoles sont encore trop souvent démunis, dans la plupart des cas leur budget consacré à l’énergie est – et reste – quasi-nul.
Dès lors, dans le cas spécifique des populations et des acteurs qui resteront insolvables à court terme, il apparaît indispensable que les projets d’électrification prévoient des solutions renforçant leur bon fonctionnement sur le long terme, en ne se limitant pas aux investissements initiaux.
Pour Electriciens sans frontières, cela signifie que même après la mise en service et la remise d’installations électriques, donc même après la « fin du projet » telle que définie par les bailleurs, nous nous devons de suivre le déroulé de la vie des installations, de savoir comment se passe leur exploitation, et surtout d’avoir des moyens consacrés à d’éventuelles interventions. Il ne s’agit nullement d’une atteinte à l’autonomie des populations concernées, mais simplement d’une piste pour que les investissements soient bien utiles dans la durée. Nous avons ainsi constitué un « fonds de pérennisation » pouvant servir à financer ces actions. Force est de constater qu’aujourd’hui les outils de financement de certains grands bailleurs institutionnels sont encore difficilement compatibles avec cette approche. Des progrès restent à faire, pour garantir que l’accès à la lumière et à l’eau soit assuré dans la durée !